Mogettes vendéennes : histoire, tradition et gastronomie d’un haricot emblématique

La mogette vendéenne, ce petit haricot blanc à l’apparence modeste, est bien plus qu’un simple légume sec. Véritable emblème culinaire et culturel de la Vendée, elle incarne l’âme d’un terroir et le savoir-faire de générations de producteurs. Reconnue par une Indication Géographique Protégée (IGP) depuis 2010, la mogette vendéenne possède une histoire riche et des qualités gustatives exceptionnelles qui en font un produit d’exception dans la gastronomie française. Découvrons ensemble ce trésor culinaire, de ses origines monastiques à sa place dans les assiettes contemporaines.

Introduction aux Mogettes Vendéennes

Qu’est-ce que la Mogette ?

La mogette de Vendée est un haricot blanc de l’espèce Phaseolus vulgaris, de type lingot. Elle se distingue par des caractéristiques bien précises : une peau particulièrement fine (moins de 70 micromètres d’épaisseur), une texture fondante après cuisson et une couleur blanche homogène. De forme elliptique à réniforme, elle mesure entre 1 et 2 centimètres de long pour une épaisseur minimale de 4,5 mm.

Ce qui fait la particularité de la mogette vendéenne, c’est avant tout sa texture fondante en bouche et sa capacité à absorber les saveurs des aliments qui l’accompagnent. Les variétés principalement cultivées sous l’IGP sont Linex et Michelet, sélectionnées pour leur adaptation au terroir vendéen et leurs qualités gustatives exceptionnelles.

Son histoire et ses origines

L’histoire de la mogette en Vendée remonte vraisemblablement au XVIIe siècle. Son introduction dans la région est liée aux échanges commerciaux avec l’Espagne, consécutifs aux grandes explorations transatlantiques qui ont permis l’arrivée de nombreuses espèces végétales américaines en Europe.

Les communautés monastiques, notamment celles des abbayes de Luçon et de Fontenay-le-Comte, ont joué un rôle déterminant dans la sélection et la diffusion de cette culture. Ces religieux, véritables agronomes de leur époque, ont identifié les terroirs les plus propices à sa culture, particulièrement les marais asséchés du sud de la région dont les sols riches et humides convenaient parfaitement à cette légumineuse.

L’étymologie du nom « mogette » fait l’objet de débats passionnants. L’hypothèse la plus répandue fait dériver ce terme de l’espagnol « monjito » (petit moine), en référence à la forme et à la couleur du haricot, ainsi qu’au rôle des moines dans sa diffusion. D’autres théories le relient au terme occitan « mongeta », diminutif de « monja » (moine), soulignant l’influence méridionale sur sa culture.

Au XIXe siècle, la culture de la mogette s’est étendue à d’autres régions de la Vendée, notamment le bocage. En 1930, elle occupait près de 9 000 hectares et constituait la principale culture maraîchère du département, témoignant de son importance économique et culturelle grandissante.

Préparation et Recette Traditionnelle

Choisir les bonnes mogettes

Pour préparer un plat de mogettes traditionnelles, la première étape consiste à sélectionner des haricots de qualité. Les mogettes vendéennes de qualité se reconnaissent à leur apparence homogène, leur couleur blanche éclatante et leur taille régulière. Privilégiez les mogettes labellisées IGP, gage de qualité et d’authenticité.

Si vous optez pour des mogettes sèches, vérifiez qu’elles soient bien entières, sans fissures ni taches. Leur aspect doit être lisse et brillant. Pour les mogettes fraîches ou demi-sèches, assurez-vous qu’elles soient fermes au toucher et d’une couleur uniforme.

La fraîcheur des mogettes est essentielle pour garantir une cuisson optimale et une texture fondante. Les mogettes sèches peuvent se conserver plusieurs années dans un endroit frais et sec, tandis que les mogettes fraîches ou demi-sèches doivent être consommées rapidement ou congelées pour préserver leurs qualités gustatives.

Les étapes de cuisson

La préparation des mogettes de Vendée nécessite patience et attention. Voici les étapes essentielles pour réussir leur cuisson :

  1. Le trempage : Pour les mogettes sèches, un trempage préalable de 12 à 24 heures dans de l’eau froide est indispensable. Cette étape permet de réhydrater les haricots, de réduire leur temps de cuisson et d’améliorer leur digestibilité. Il est recommandé de changer l’eau une à deux fois pendant le trempage.
  2. Le rinçage : Après le trempage, rincez abondamment les mogettes à l’eau claire pour éliminer les impuretés et l’amidon en surface.
  3. La cuisson : Placez les mogettes dans une cocotte avec trois fois leur volume d’eau froide. Ajoutez un bouquet garni (thym, laurier), une carotte, un oignon piqué de clous de girofle et éventuellement un morceau de lard. Important : ne salez pas en début de cuisson, car le sel durcit la peau des haricots.
  4. Le mijotage : Portez à ébullition puis réduisez le feu pour une cuisson lente à frémissement pendant 1h30 à 2h, selon la fraîcheur des mogettes. Elles doivent être fondantes mais pas en purée.
  5. L’assaisonnement : Ce n’est qu’en fin de cuisson que vous ajouterez le sel et le poivre, ainsi que d’autres aromates si désiré.

Pour vérifier la cuisson, prélevez quelques mogettes et écrasez-les légèrement entre deux doigts : elles doivent s’écraser facilement tout en conservant une certaine tenue.

Variations de la recette

Si la recette traditionnelle des mogettes au lard reste un incontournable, de nombreuses variations régionales et modernes permettent de redécouvrir ce légume sous différentes formes :

  • Le grillé de mogettes : Après cuisson, les mogettes sont légèrement grillées dans une poêle avec du lard, ce qui leur confère une texture croustillante à l’extérieur et fondante à l’intérieur. Traditionnellement servies avec du jambon de Vendée grillé.
  • La soupe de mogettes : Les mogettes cuites sont mixées avec leur bouillon pour obtenir une soupe onctueuse, parfois enrichie de crème fraîche et servie avec des croûtons à l’ail.
  • Les mogettes en salade : Version estivale où les mogettes refroidies sont assaisonnées d’une vinaigrette à l’échalote et aux herbes fraîches, parfois agrémentées de tomates et d’oignons rouges.
  • Les mogettes en cassoulet vendéen : Une adaptation régionale du cassoulet, où les mogettes remplacent les haricots blancs traditionnels, accompagnées de confit de canard ou d’oie.
  • Les mogettes en velouté : Une préparation raffinée où les mogettes sont mixées avec un bouillon de volaille et de la crème, parfois parfumée à la truffe pour les versions gastronomiques.

Les chefs contemporains n’hésitent pas à revisiter ce produit traditionnel, comme Nicolas Coutand qui propose des « Mogettes de Vendée, Crémeux de carottes au Combava, Noisettes torréfiées », alliant tradition et modernité dans une assiette aux saveurs équilibrées.

Comment Déguster les Mogettes

Accompagnements classiques

La mogette de Vendée se déguste traditionnellement avec des accompagnements qui en subliment la saveur tout en respectant sa délicatesse. Le jambon de Vendée, avec sa texture ferme et son goût légèrement fumé, constitue le partenaire idéal des mogettes. Cette association classique permet un équilibre parfait entre les protéines végétales des haricots et les protéines animales du jambon.

D’autres accompagnements traditionnels incluent :

  • Les rillettes de Vendée, dont le gras fondant contraste agréablement avec la texture des mogettes
  • Le préfou, pain à l’ail typiquement vendéen, parfait pour saucer le jus des mogettes
  • Une salade verte assaisonnée d’une vinaigrette à l’échalote, qui apporte fraîcheur et acidité
  • Des tomates fraîches en été, simplement assaisonnées d’huile d’olive et de basilic
  • Un verre de vin rouge local, comme un Fiefs Vendéens, dont les tanins souples s’accordent parfaitement avec ce plat rustique

La tradition veut que les mogettes soient servies dans des assiettes creuses en terre cuite, conservant ainsi leur chaleur tout au long du repas. Ce service simple mais convivial favorise le partage et la convivialité, valeurs chères à la culture vendéenne.

Mogettes dans d’autres plats régionaux

Au-delà de leur préparation classique, les mogettes vendéennes s’invitent dans de nombreuses recettes régionales, témoignant de leur polyvalence culinaire :

La mogette s’intègre parfaitement dans le « Farcis Poitevin », un pâté d’herbes traditionnel où elle apporte onctuosité et consistance. Pour découvrir un autre plat de légumes traditionnel de la région Poitou, explorez l’histoire et les variations du Farcis Poitevin.

Les mogettes peuvent également enrichir des soupes consistantes, rappelant par leur texture et leur usage la célèbre Garbure des Pyrénées voisines. Si vous appréciez les plats mijotés réconfortants, apprenez-en plus sur la recette traditionnelle de la Garbure Bigourdane.

Dans certaines familles vendéennes, on retrouve les mogettes en accompagnement de volailles rôties ou mijotées, créant des plats complets et nourrissants qui rappellent d’autres spécialités régionales françaises. Pour une immersion dans la cuisine régionale française, découvrez l’histoire et la recette de la Poule au pot béarnaise.

Plus récemment, certains chefs innovants ont intégré les mogettes dans des préparations plus contemporaines :

  • Crème de mogettes en espuma, servie avec des Saint-Jacques poêlées
  • Gnocchis de mogettes, accompagnés d’une sauce au beurre noisette et à la sauge
  • Houmous de mogettes au citron confit, revisitant la recette méditerranéenne avec ce produit local
  • Mogettes confites à l’huile d’olive et au thym, servies en tapas à l’apéritif

Ces réinterprétations démontrent la capacité de la mogette à s’adapter aux évolutions de la gastronomie tout en conservant son identité et ses qualités nutritionnelles.

Les Mogettes dans la Culture Vendéenne

Événements et fêtes autour de la mogette

La mogette vendéenne n’est pas seulement un produit alimentaire, c’est un véritable patrimoine culturel célébré à travers différentes manifestations qui rythment la vie locale :

La Foire à la Mogette des Brouzils, organisée chaque année le deuxième dimanche d’octobre, constitue l’événement le plus important dédié à ce légume emblématique. Attirant plus de 10 000 visiteurs, cette foire propose dégustations, concours culinaires, marché de producteurs et animations folkloriques. C’est l’occasion pour les visiteurs de découvrir les multiples facettes de la mogette et de rencontrer les producteurs qui perpétuent ce savoir-faire ancestral.

D’autres événements ponctuent le calendrier vendéen :

  • La Fête de la Mogette de La Ferrière (deuxième dimanche de septembre)
  • La Nuit de la Mogette du Poiré-sur-Vie (14 août)
  • Les Journées Gastronomiques de Luçon, où la mogette occupe une place d’honneur
  • Le Festival « Saveurs de Vendée » à La Roche-sur-Yon, vitrine des produits du terroir local

Ces manifestations ne se limitent pas à la promotion d’un produit : elles sont l’expression d’une identité culturelle forte et d’un attachement profond des Vendéens à leur terroir. La mogette y devient prétexte à la fête, au partage et à la transmission d’un patrimoine culinaire entre générations.

Le folklore local s’est également emparé de la mogette, présente dans des expressions, des chansons et des poèmes vendéens. L’expression « être né dans les choux et avoir été élevé à la mogette » désigne ainsi une personne d’origine modeste mais robuste, profondément attachée à sa terre natale.

Où acheter de bonnes mogettes

Pour déguster d’authentiques mogettes de Vendée, plusieurs options s’offrent aux amateurs de ce produit d’exception :

Les marchés locaux vendéens constituent sans doute le meilleur endroit pour se procurer des mogettes de qualité. Les producteurs y proposent directement leurs récoltes, garantissant fraîcheur et authenticité. Les marchés de Luçon, La Roche-sur-Yon, Les Sables-d’Olonne ou Fontenay-le-Comte sont particulièrement réputés pour la qualité de leurs produits du terroir.

Les fermes et producteurs locaux ouvrent souvent leurs portes à la vente directe. Parmi les producteurs reconnus, on peut citer :

  • La Ferme Audureau à Saint-Georges-de-Montaigu
  • La Ferme de la Mégrière à La Chaize-le-Vicomte
  • Le Domaine de la Bretonnière à Chavagnes-en-Paillers

Les coopératives agricoles comme la CAVAC ou Terrena proposent également des mogettes IGP dans leurs points de vente. Ces structures assurent la collecte, le conditionnement et la commercialisation des produits de nombreux producteurs locaux.

Pour ceux qui ne peuvent se déplacer en Vendée, plusieurs options existent :

  • Les épiceries fines et magasins spécialisés dans les produits régionaux
  • Les sites de vente en ligne dédiés aux produits du terroir
  • Certaines grandes surfaces proposant des rayons « produits régionaux »

Quelle que soit l’option choisie, vérifiez toujours la présence du logo IGP sur l’emballage, garantie d’un produit authentique répondant au cahier des charges strict de l’Indication Géographique Protégée. Les mogettes sont généralement disponibles sous plusieurs formes : sèches (en sachet), demi-sèches (surgelées) ou déjà cuisinées (en bocal).

Conclusion

La mogette vendéenne représente bien plus qu’un simple aliment : elle incarne l’âme d’un terroir, la persistance d’un savoir-faire ancestral et la richesse d’un patrimoine gastronomique. De son introduction par les moines au XVIIe siècle à sa reconnaissance par l’IGP en 2010, ce petit haricot blanc a traversé les siècles en conservant son authenticité et sa place privilégiée dans le cœur des Vendéens.

Sa culture exigeante, respectueuse des traditions et de l’environnement, garantit un produit d’exception aux qualités gustatives unanimement reconnues. Que ce soit dans sa préparation la plus simple – les mogettes au lard – ou dans des créations culinaires plus élaborées, elle sait s’adapter aux évolutions de la gastronomie tout en préservant son identité.

Au-delà de l’assiette, la mogette vendéenne est un vecteur de lien social, célébrée lors de fêtes populaires qui rassemblent les générations autour de valeurs communes : l’attachement au terroir, le respect des traditions et le plaisir du partage.

À l’heure où la mondialisation tend à uniformiser notre alimentation, la mogette vendéenne nous rappelle l’importance de préserver nos spécificités régionales, non par simple nostalgie, mais parce qu’elles constituent un patrimoine vivant, porteur de sens et d’identité.

Alors, à votre prochaine visite en Vendée, n’hésitez pas à vous attabler devant un bon plat de mogettes fumantes – c’est toute l’histoire et l’âme d’une région que vous dégusterez !


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